POURQUOI LE TRAMWAY** ?

Banni de la quasi-totalité des villes de France, à l’exception de Lille, Saint-Etienne et Marseille, le tramway fut sacrifié sur l’autel de l’ère de l’automobilité. Jugés obsolètes, brinquebalants et surtout gênants pour le développement de l’automobile, le tramway fut aussi vaincu par l’évolution industrielle en France et la disparition de la production de matériel roulant dès la fin des années 1930 (à l’exception d’une série de motrices en 1949 pour le Mongy). 

Cependant, entre les dernières suppressions, en 1966, et le concours Marcel Cavaillé en 1975, moins d’une décennie s’est écoulée avant que l’idée de relancer le tramway ne fasse son apparition. Pour autant, le mal était fait, les réseaux démantelés et surtout, la « culture » du tramway avait largement disparu des villes françaises.

L’initiative du Secrétaire d’Etat aux Transports allait trouver sa première concrétisation à Nantes, en 1985. En véritable précurseur du renouveau du tramway, Nantes démontrait les facultés de ce mode de transport à relancer une politique de la mobilité urbaine qui ne soit plus exclusivement fondée sur la seule automobile. Alors qu’il ne subsistait que 30 kilomètres exploités en 1985, avant la mise en service de la première ligne nantaise, on compte aujourd’hui plus de 330 kilomètres en service en 2008. Si certains jugent encore que le retour du tramway est une erreur de l’histoire, les faits sont éloquents : partout où le tramway est réimplanté, les réseaux se développent et la dynamique urbaine prend un nouveau départ.

En ces temps où la situation économique mondiale est marquée par l’urgence environnementale et la réduction de la consommation de produits pétroliers, le tramway constitue un des outils les plus adaptés : sans être une panacée, il dispose d’un large éventail de possibilités et peut aisément s’intégrer dans un projet urbain où les transports ne constituent qu’un des volets d’une telle politique.*

Le site propre, la priorité aux feux, la grande capacité du matériel et le coût modéré des investissements constituent autant d’atouts pour le tramway. La vitesse commerciale et la capacité invitent la population au report modal, par la mise en place d’offres de transports en commun attractives. La transformation d’une ligne de bus en tramway entraîne en général une multiplication par 3 à 6 de la fréquentation de l’axe.

L’investissement, de l’ordre d’une vingtaine de millions d’euros du kilomètre, n’est pas négligeable. Cependant, il y a encore seulement un quart de siècle, l’alternative se limitait à maintenir un système de bus lents et peu attractifs ou penser à long terme à un métro dépassant souvent les capacités de financement des agglomérations. Il est courant de rappeler qu’un kilomètre de métro correspond à cinq kilomètres de tramway.

Le tramway est ainsi le moyen de mailler plus finement le territoire urbain : le métro a cet inconvénient de nécessiter d’importants flux pour justifier sa construction, au risque de créer des itinéraires contre nature, pas forcément plus rapides que ne serait une ligne de tramway sur un itinéraire plus direct. Si le métro est plus rapide, le tramway permet de diffuser plus rapidement à un territoire plus vaste les bénéfices d’une amélioration du service de transport.

Le Grenelle de l’Environnement a été l’occasion pour les agglomérations de mettre sur la table leurs orientations : le Groupement des Autorités Responsables de Transports a listé plus de 1500 km de projets de TCSP à réaliser d’ici 2020 pour accroître la capacité des transports urbains à endiguer et limiter la circulation automobile. Parmi ces 1500 km, on peut raisonnablement penser que 500 à 600 km seront réalisés en tramway.

Comme le soulignait récemment le Secrétaire Général de l’Union Internationale des Transporteurs Publics, « le climat est propice aux tramways ». Concilier une mobilité urbaine plus écologique, plus durable, dans une sphère de l’action publique où les ressources sont limitées tend à rendre crédible la solution tramway. Avec un créneau de pertinence se plaçant sur des flux compris entre 2000 et 9000 voyageurs par heure, c’est-à-dire au-delà du débit maximal d’une ligne de bus optimisé et en-deçà du seuil minimal de pertinence du métro, le tramway peut certainement symboliser le virage des politiques urbaines vers une mobilité durable.

En France, le tramway a donc plutôt le vent en poupe. Cependant, les heures sombres ont marqué les mentalités et le manque de « culture tramway » est encore présent dans la vie quotidienne : on ne tire pas encore tout le parti du tramway dans la vie quotidienne des réseaux. Les lignes sont encore, à l’exception de Strasbourg, Saint-Etienne, Nantes et Grenoble, pensées en « métro de surface » avec une seule ligne par infrastructure. La vitesse des tramways est globalement honorable, mais demeure inférieure à celle pratiquée par les réseaux européens qui ne disposent pas systématiquement d’un site propre intégral et de la priorité aux feux.

Enfin, le tramway des villes peut se muer en tramway des couronnes périurbaines : le « modèle » de Karlsruhe n’est pas transposable à toutes les villes, mais peut dans certains cas être une solution pertinente pour améliorer la dessertes des territoires suburbains. Cependant, la croissance de la demande de transport collectif, tout comme les questions de maîtrise des projets, du mille-feuilles administratif des compétences territoriales, peut aussi aboutir à la recherche de cohabitations simples entre le transport ferroviaire et le transport urbain.

Au travers de ce site, nous souhaitons vous présenter la situation actuelle des réseaux de tramways, des projets en cours et de ceux qui pourraient s’inscrire dans la continuité des actions engagées et dans un mouvement d’accélération des politiques de développement des transports urbains. Aux côtés du tramway, le trolleybus peut être un complément efficace sur les réseaux urbains, et sous-utilisé à ce jour en France. A l’inverse, on voit apparaître des projets suburbains et interurbains qui nous incitent à suivre ce mouvement.

*Selon une étude EDF, un tramway consomme 23,50 Wh/place, un trolleybus 25,00 Wh/place, un bus diesel 71,00 Wh/place, un bus GNV 92,00 Wh/place

**Tramway : Chemin de fer à rails plats Etymologie : Angl. tram-way, de tram, rail plat, et way, voie.